En 2020, la journaliste afghane Zuhal Ahad de la communauté hazara, alors âgée de 27 ans, travaillait pour la BBC et couvrait des sujets liés aux femmes en Afghanistan. En tant que femme journaliste travaillant en Afghanistan, elle a toujours été prise pour cible.
Après avoir perdu une amie défenseuse des droits humains dans un attentat à la voiture piégée, elle a pourtant dû multiplier les précautions, notamment en évitant les transports publics et en changeant de trajet et de véhicule les jours où elle se rendait au bureau ou enquêtait sur un sujet. En juillet 2021, un mois avant que les Taliban ne prennent le contrôle du pays, les menaces se sont encore aggravées.
« Moi et ma famille avons reçu des menaces à cause de mon travail, et j’ai même dû rester à la maison pendant plusieurs mois sans même pouvoir faire des courses », explique-t-elle. « J’ai quitté le pays parce que ma vie et celle de ma famille étaient ce qu’il y avait de plus important pour moi à l’époque. »
Elle est donc partie avec sa fille et son mari pour les Émirats arabes unis, puis pour le Canada, où elle continue de travailler comme journaliste indépendante pour The Guardian et Al Jazeera, couvrant l’Afghanistan. Elle donne également des cours de journalisme à l’Université de Toronto.
« J’ai dû laisser mes amis, ma famille, toute ma vie derrière moi et repartir de zéro », déplore-t-elle.
Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), on constate actuellement une tendance alarmante dans le monde entier, qui consiste à restreindre la liberté d’expression et la liberté des médias, en particulier des journalistes. En 2022, 87 journalistes ont été tués dans le monde, la plupart en toute impunité, et 323 ont été emprisonnés.
En Afghanistan, le service des droits de l’homme de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a recensé de nombreuses violations des droits humains ciblant des journalistes et des professionnels des médias depuis l’arrivée au pouvoir des Taliban. De nombreuses femmes journalistes comme Zuhal travaillent dans la crainte d’être constamment surveillées et harcelées.
« Toute menace à l’encontre d’un journaliste est une attaque directe à la liberté d’information, d’opinion et d’expression, qui sont des droits fondamentaux nous appartenant tous », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. « La sécurité des journalistes n’est pas seulement une question de sécurité personnelle, c’est une question de sécurité et de santé pour des sociétés entières. »
« Cependant, alors que nous célébrons le 30e anniversaire de la Journée mondiale de la liberté de la presse, nous assistons dans le monde entier à la fermeture forcée de ces frontières et à une tendance alarmante et agressive à la suppression de la liberté d’expression », a-t-il énoncé.
La promesse de la Déclaration universelle des droits de l’homme confirme le droit de chaque personne de jouir de la liberté d’expression et de l’accès à l’information, a ajouté le Haut-Commissaire. Dans le cadre du 75e anniversaire de la Déclaration universelle, le HCDH consacrera le mois de mai à la promotion des voix critiques et des débats, à la garantie de la sécurité des journalistes et à la protection de l’espace civique.