Affaire kidnapping du journaliste Dhessaba à Bunia : un silence odieux de la part des autorités de l’Etat de Siège.

Les journalistes de la ville de Bunia et de la province de l’Ituri en général, travaillent dans un environnement où le contexte sécuritaire est précaire. Dans cette région, les journalistes font objet des attaques de tout genre non-seulement de la part des groupes armés et des personnes non-identifiées mais aussi de certaines personnalités officielles. Dans cette province, on enregistre des incursions dans les domiciles des journalistes, des menaces verbales, des enlèvements et kidnapping ainsi que des meurtres des professionnels des medias. Depuis plus de trois ans, les entités politico-administratives sont gouvernées par des autorités militaires et policières dans le cadre de l’Etat de siège. Il s’avère que ces derniers se préoccupent assez moins de la sécurité des professionnels des medias. Le cas d’enlèvement du journaliste Déogracias DHESABA enlevé à la place de son confère Jean Christian BAFWA en est un exemple éloquent car aucune autorité n’avait joué un rôle tangible pour ne fusse que tacher de mener une enquête ni comprendre les mobiles de cet incident.

C’est une histoire inimaginable. Deogratias Dhessaba, présentateur et traducteur en langue locale pour la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC), avait été enlevé par erreur le 27 avril 2023. En fin de matinée, après avoir quitté la station de radio à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, un conducteur de moto taxi s’est empressé vers lui et proposer de le conduire à son domicile. Après quelques minutes de route, le conducteur s’est arrêté près d’une voiture entouré d’un groupe d’homme. « … je lui avait demandé de me déposer à Kasegwa. Mais non, il m’a amené à la hauteur du grand séminaire à la sortie du quartier Bembei », remémore le journaliste.

Il a été brutalement emmené dans cette voiture noire puis drogué, avant de perdre connaissance. Après avoir roulé des longues heures, ses ravisseurs l’ont finalement abandonné environ 100 kilomètres plus loin de la ville, notamment dans le territoire de DJUGU vers Petro entre les localités de Bule et Maze sur la route Drodro, une autre localité de territoire de Djugu.

« Quand nous sommes arrivés autour du pont « Tse », j’ai repris connaissance et mes ravisseurs ont foncé à près de 5 km avec moi à l’intérieur d’une concession avant de m’abandonner » poursuit le journaliste.

Le motif de cette soudaine libération était que les ravisseurs avaient remarqué qu’ils s’étaient trompés de cible. Ils avaient prévu d’enlever Jean Christian Bafwa, animateur à la radio communautaire CANDIP, émettant également à Bunia mais se sont retrouvé Avec Déogracias Dhésaba.

Pendant ce moment de sa disparition, des sonnettes d’alarme et des alertes ont déferlé dans les médias et dans les réseaux sociaux sur le rapt du journaliste. Sa famille ainsi que des organisations intervenant dans la liberté de la presse se sont mobilisé pour rechercher le journaliste disparu. Du coté des autorités, silence radio malgré les demandes de secours leur lancées,

Aveu de l’inaction

Nous avons cherché à comprendre comment différents acteurs se sont impliqués pour sauver le journaliste mais aussi et surtout comment la situation a été gérée par ceux-qui sont censés garantir la sécurité aux citoyens. L’organisation Journalistes En Danger (JED) en sigle affirme avoir appelé le gouverneur militaire, et son porte-parole pour les informer de ce kidnapping mais aucune action n’a été entreprise de la part des autorités pour tenter de rechercher le journaliste.

Le lendemain aux heures matinales, la présence de Dhésaba avait été signalée sur la route Drodro dans un état sanitaire critique inquiétante. Là encore, il a fallu une mobilisation afin de le ramener d’urgence à BUNIA pour des soins appropriés.

Il nous fallait une ambulance pour ramener DESABA à BUNIA vu qu’il était vraiment malade, toutes nos efforts pour demander de l’aide auprès des autorités n’avaient pas abouti. Le gouverneur avait promis son implication mais sa promesse n’a jamais été concrétisée. C’est finalement l’Eglise Catholique qui avait fini par nous aider avec le véhicule de CARITAS, “ révèle Freddy Upar point focal de l’organisation JED à Bunia s’exprimant avec une pointe de déception.

En voulant comprendre la vraie raison de cette attitude des autorités et services compétentes, ces derniers semblent avouer leur inaction. Nos efforts pour joindre le gouverneur en personne n’ont pas abouti. Cependant, la réponse du lieutenant JULES NGONGO TSHIKUDI, porte-parole des opérations militaires en ITURI et conseiller en charge de la communication du gouverneur militaire de la province est tout simplement surprenante. A la question de savoir pourquoi les autorités n’étaient pas intervenu, notre interlocuteur a répondit sèchement qu’il n’était pas informé de ce kidnapping. « nous n’étions pas au courant … » a-t-il réagi avant même d’entrer dans le vif de l’entretien.

Même son de cloche de la part du porte-parole de la Police nationale congolaise (PNC) commissariat provincial de l’Ituri que nous avons rencontré à son office de travail.

Lors de l’entretien, le commissaire supérieur adjoint ROGER étaient même surpris d’apprendre la nouvelle. L’autorité policière nie avoir été saisie sur cette affaire. Il avoue n’être informé qu’au moment de l’entretien que nous avons eu avec lui dans le cadre de cette enquête.

A lui de rétorquer : « … les journalistes veulent alerter seulement à la radio qui n’est pas un bon canal pour un tel cas car plus ! Souvent les commandants et autorités ne suivent pas les radios, ils ont toujours beaucoup de dossier à traiter…» s’est-il dédouané. Il estime que c’est mieux de voir physiquement les autorités car un entretien en face est vite résolu qu’une information suivi à la radio ou reçu par voie téléphonique.

Un silence scandaleux

Plusieurs journalistes sur place analysent que les incidents sécuritaires semblent faire partie du quotidien des habitants de Bunia et ses environs, ces événement n’attirent plus l’attention des autorités et semblent être pris comme phénomène normal dans la ville.

C’est grâce aux efforts de ses confrères journalistes, Dhessaba a pu être ramené à Bunia pour des soins appropriés. Le rescapé du rapt avait passé plus de trois semaines à l’hôpital général de référence de Bunia soit du 29 avril au 16 mai 2023.

Là encore le journaliste n’a bénéficié que la solidarité de ses collègues et aucune autorité locale n’est arrivé sur lieu ni pour présenter les compassions à ce rescapé d’un enlèvement ciblé ni pour chercher d’en savoir plus afin de mener des enquêtes.

L’attitude des gouvernants aura été la même face au journaliste Christian Bafwa, redacteur en chef de la Radio Candip ISP Bunia, qui était la vraie cible de ces kidnappeurs. Lors d’une interview réalisé avec le media en ligne lesvolcansnews, le journaliste indique avoir alerté les services de sécurité au sujet des menaces qui pesaient contre sa personne « …j’invite les services de sécurité à ma protection. Tels que : anr, pnc, dgm, dirase, droit de l’homme, monusco, jed, unpc, et comité provincial de sécurité… » A-t-il alerté.

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Tout en réclamant le professionnalisme avec lequel il exerce son travail, le journaliste reconnait avoir dénoncé les exactions des groupes armés contre les civiles dans la province de l’ituri qui serait selon lui à l’origine des attaques contre lui « mon unique pêché est de faire les alertes sur l’insécurité perpétrée en Ituri par les groupes armés : … sauvez ma vie! » écrit le media en ligne relayant les propos de Jean Christian Bafwa
Le journaliste regrette que ces cris de détresse sont passé inaperçus aux yeux de services compétents alors que sa vie était visiblement en danger. Lors de l’entretien que nous avons eu dans le cadre de cette enquête, Bafwa « seule la grâce divine avait permis de survivre jusqu’aujourd’hui… »

Il convient de noter que cette menace était la deuxième contre le même journaliste dans un intervalle de deux ans. D’autres menaces remontent de l’année 2021 et à chaque fois, les services compétents s’illustrent toujours par l’inaction.

La province de l’Ituri qui est sous état de siège depuis Mai 2021 est la plus meurtrière de la RDC. Au cours de cinq dernières années, au-moins 5 journalistes ont été tué dans cette province. Parmi ces victimes, certains recevaient des menaces avant d’être tués.


Cette enquête est réalisée en collaboration par les journalistes membres du Réseau des Journalistes d’Investigation en République Démocratique du Congo (REJI-RDC), antenne de la Province de l’Ituri, avec l’appui technique du Collectif des Femmes Journalistes (CFJ) grâce au financement du fond Mondial pour la défense des medias (GMDF) administré par l’UNESCO


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