Ituri : suite à la persistance de l’insécurité, plusieurs territoires deviennent des terrains noirs pour de nombreux journalistes

Le Réseau des Journalistes d’Investigation, REJI-RDC s’inquiète de l’afflux des cas de menace et d’intimidation à l’égard des professionnels des médias dans le territoire de Mambasa de la Province de l’Ituri, dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo. Pour la plupart des cas répertoriés : des militaires de l’armée congolaise et des miliciens en sont auteurs, selon les rapports. Un signal négatif qui nécessite l’attention des autorités sécuritaires, dans cette région déchirée par l’insécurité, pour garantir le droit d’informer et de former.

Le cas qui fait déborder le vase est celui de l’agression d’Oriane Kathina, journaliste de la radio communautaire Vénus émettant à partir du chef-lieu du territoire de Mambasa. Son malheur a vécu en pleine nuit du lundi 18 mars 2024. Cette nuit-là, Oriane revenait de la station après avoir participé de la rédaction des informations.

C’est sur sa route qu’elle a alors croisé un militaire des forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Du coup, l’homme en tenue militaire et muni d’une arme à feu a réclamé de la journaliste tous ses biens. Des menaces auxquelles, elle n’a pas obtempéré, trouvant ainsi le moyen de prendre le large.

« Dieu aidant j’ai réussi à me sauver de ses mains et j’ai pris fuite. Il m’a même interdit de prendre fuite tout en me menaçant à tirer sur moi, mais j’ai quand-même eu la force de courir dans une maison se trouvant à côté, et il est passé sans me voir », indique la rescapée des bavures militaires maintes fois décriées dans cette partie de la République.

C’est dans cette même région que vit le journaliste Parfait Katoto, directeur de la Radio Communautaire Amkeni basée à Biakato. Depuis le début du mois de mai 2024, il reçoit des menaces de mort de la part des inconnus à cause de ses émissions qui dénoncent les tracasseries militaires dans sa communauté.

Des cas illustratifs qui s’ajoutent à beaucoup d’autres vécus par le passé. En 2023 par exemple, Christine Abeditho, Présidente de l’Union nationale de la Presse Congolaise, UNPC antenne de l’Ituri avait rappelé aux autorités la nécessité de garantir la sécurité aux journalistes qui travaillent dans un contexte difficile d’insécurité.

Dans le lot des graves atteintes à la liberté de la presse, Christine énumère le cas d’un professionnel de médias abattu en novembre 2022 par un militaire dans la localité d’Otmaber dans le territoire d’Irumu. En mai 2023, c’est le tour d’un autre pris en otage par des inconnus. La victime a été par la suite conduite dans un bastion des miliciens dans le territoire de Djugu, avant d’être relâché par ses ravisseurs. Une situation qui ne fait que s’aggraver, alerte l’association journaliste amis de la nature (JAN) basée à Mambasa, qui ne cesse de répertorier ces genres d’incidents dans la zone.

« Des journalistes sont toujours agressés soit par des militaires soit par des miliciens. Voire des agents de l’état. Et d’autres confrères ont décidé d’abandonner le métier. C’est une situation qui nous dépasse », a indiqué un membre de JAN.

La colère d’un général à l’encontre de ses soldats

L’agression de Oriane a vite suscité des réactions au point que le responsable de l’armée congolaise dans la région a été saisi. Il s’agit du général de brigade, Joseph Mugisa. Conscient du rôle des journalistes dans le contexte sécuritaire, l’officier militaire a appelé la consœur au camp militaire afin d’identifier l’auteur de l’agression. Un acte qui a réjoui le Réseau des Journalistes d’Investigation très préoccupé par la sécurité des journalistes.

« J’étais appelée par le général lui-même, il m’a demandé de dénoncer le bourreau parmi les militaires qu’il avait présentés devant moi. Malheureusement je n’avais pas vu le militaire agresseur. C’est après quelques jours que j’avais appris que quatre militaires suspects étaient détenus pour la cause », a précisé Oriane Kathina.

Ce qui ne rassure du tout pas l’association journaliste amis de la nature.

« Même si les autorités ont réagi promptement, pour nous cela n’est pas à la hauteur des menaces. Nous voudrions voir les auteurs de ces menaces répondre de leurs actes devant la justice », martèle son coordonnateur.

Des défenseurs des droits humains en parlent aussi…

Cet événement s’est déroulé au moment où le mariage civilo-militaire reste fragilisé suite à de multiples plaintes des organisations de la société civile et des défenses des droits de l’homme face aux bavures des militaires de la 31e brigade. Chaque soir, ils sont cités dans des cas d’extorsion et de tracasserie, rappelle le coordonnateur de l’ONG Convention pour le Respect des Droits Humains (CRDH) en territoire de Mambasa.

« Le média étant le quatrième pouvoir utilisé pour dénoncer tous les actes de tracasseries, l’autorité militaire n’avait pas un autre choix à faire que celui de se rapprocher des journalistes vu le contexte de l’époque. Mais aussi, les différentes dénonciations faites par les défenseurs des droits de l’homme poussent parfois les autorités à prendre des mesures pour pour gagner la confiance de la population », a pour sa part souligné (ses noms)

Depuis ces événements, Oriane Kathina et ses collègues de la radio communautaire Vénus ont sensiblement réduit les heures de service surtout pendant les heures tardives. Ce qui joue défavorablement sur la qualité des prestations actuellement.

« Nous appelons les autorités à nous garantir la sécurité pour bien exercer notre métier », plaide Isaac Vitwiko, directeur de la radio communautaire Vénus.

La sécurité des journalistes est la capacité pour les journalistes et les professionnels des médias de recevoir, produire et communiquer des informations sans avoir à subir des menaces physiques ou morales.

Josaphat Kikanga et Djiress Baloki

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