Le journaliste Parfait Katoto vit en clandestinité suite à des sérieuses menaces ciblées contre sa personne depuis plusieurs jours. Les menaces récentes remontent du mois d’avril 2024 à l’aube la journée de la liberté de la presse par des hommes armés à l’encontre de ce journaliste qui œuvre à Biakato, dans le territoire de Mambasa ; en province de l’Ituri à l’Est de la République Démocratique du Congo. En dépit des alertes, dénonciations et des plaidoyers menés dans ce sens, aucune mesure n’a été prise par les autorités compétentes pour tant soit peu diligenter des enquêtes afin de savoir l’origine de ces menaces ou pour renforcer la sécurité dudit journaliste. Les services compétents et les autorités étatiques ayant la sécurité des citoyens dans leur charge brillent par leur silence au moment où la vie du journaliste est visiblement en danger.
Le vendredi 3-mai-2024 au moment où le monde célébrait la journée de la liberté de la presse, des hommes portants des armes blanches et à feu étaient sur la trousse du journaliste Pafait Katoto, Directeur de la Radio Communautaire Amkeni émettant depuis l’agglomération de Biakato dans le territoire de Mambasa, en province de l’Ituri sur la bande FM 99Mhz. Parfait est aussi une des figures emblématiques dans la presse locale. Père d’une famille de 2 enfants, il est journaliste depuis environs 10ans et a travaillé dans plusieurs radios locales en tant que journaliste reporter.
C’était aux environs de 20 heures que deux hommes armés ont prix à filature la moto du journaliste en provenance de son domicile en direction de la Radio situé à Biakato Centre. Sur le chemin, deux hommes en tenue militaire ont surgi et sommé le conducteur de garer la moto. L’un portant une arme à feu alors que son compagnon était muni d’un stick de bois. Ayant remarqué que le conducteur de l’engin n’était pas le journaliste qu’il recherchait, ces hommes se sont retiré avec une pointe de déception « Il semble que ce n’est pas lui. N’est-ce pas la moto du journaliste ? » Ont-ils lancé tel que raconte le conducteur de l’engin, qui était un membre de la famille du journaliste. Il raconte que ces hommes connaissaient très bien la moto du journaliste jusqu’à le reconnaitre même la nuit. Ils espéraient que c’est le propriétaire qui conduisait afin de pouvoir accomplir leur mission.
Nos sources affirment que le même jour, trois militaires armés des FARDC sont arrivés à son domicile et annoncé à la famille qu’ils allaient tuer le journaliste pour ses critiques sur l’insécurité dans la chefferie de Babila-Babombi.
Le lendemain, le samedi 4-mai-2024, un autre militaire armé s’est pointé encore une fois tôt le matin au domicile et a menacé les membres de la famille puisqu’ils ne révélaient pas où se trouve le journaliste.
A la suite de cette situation qui devenait de plus en plus inquiétante, des sonnettes d’alarme ont été lancées par différents activistes des droits humains, les medias ainsi que des organisations de défense des journalistes.
Un silence complice ?
En date du 9-mai-2024, le Réseau des Journalistes d’investigation en RDC avait lancé des alertes sur cette menace pour appeler les autorités locales à prendre action afin de déterminé l’origine et l’ampleur du danger. Malgré cette alerte, les menaces se sont poursuivies.
Le Comité pour la Protection des Journalistes(CPJ), par le billet de son bureau d’Afrique avait, dans un article publié le 15-mai-2024, dénoncé cette agression contre le journaliste. A travers cette sortie médiatique, cette structure avait demandé aux autorités prendre des mesures adéquates pour étouffer cette menace en temps utile.
A son tour l’Observatoire pour la Liberté de la Presse en RDC (OLPA) a adressé une lettre ouverte au ministre de l’intérieur en date du 22-mai-2024 pour demander des garanties sécuritaires en faveur de ce professionnel de media qui est menacé par des agents des services de sécurité.
Les medias locaux ont également diffusé en longueur de journée, des communiqués ont été publiés par différentes structures locales de défense de la liberté de la presse ainsi des activistes des droits humains. Mais aucune mesure concrète n’a été entreprise par les services compétents pour tant soit peu renforcer la sécurité du journaliste ou pour chercher à dénicher l’origine et les responsables de ces menaces de mort proférés contre le journaliste.
Parfait Katoto déclare avoir informé le commandant local de la Police Nationale Congolaise, le major BUKASA ainsi que le colonel militaire Jules Muke des apparitions d’hommes armés à son domicile et de leur menace. Mais ces derniers brillent par le silence jusqu’aujourd’hui. La seule réponse réservée par la police était que des enquêtes allaient être menées dans les 72heures qui ont suivi mais aucune suite n’a été donnée.
Les efforts du réseau des Journalistes d’Investigation en RDC pour joindre les responsables des services de sécurité afin d’en savoir plus sur les actions entreprises sont resté sans suite.
Le représentant local de l’Union Nationale de Presse du Congo s’inquiète du fait que même les autorités territoriale brillent par le silence malgré les informations leurs partagé.
Quand la liberté d’expression est menacée
Plusieurs sources à Biakato affirment que la Radio Communautaire Amkeni diffuse des émissions critiques à l’égard de la situation sécuritaire. Pour sa part le Directeur de cette radio affirme aussi avoir reçu des menaces de mort en plusieurs reprises de la part du responsable de l’armé dans cette zone suite à des nombreuses dénonciations faites à travers la Radio dont il est le responsable.
Lors de notre investigation, nous avons souligné une des émissions critiques diffusée à la RCAB. Il s’agit de l’émission « CRDH vous parle », diffusée hebdomadairement sur les antennes de la Radio Communautaire Amkeni. Le 24 Avril, les animateurs de cette émission et ses invités ont dénoncé les tracasseries dont s’illustrent les éléments de la police, ceux de l’armée et des groupes armés à l’endroit de la population de la localité de Babila-Babombi.
Sans mettre un lien probable, le Directeur de ladite radio redoute que cette émission puisse être à la base des menaces de mort proférées contre sa personne.
Il convient de rappeler que cette dernière menace contre le journaliste Parfait Katoto est la deuxième depuis le déclenchement de l’état de siège dans la province de l’Ituri. Selon le rapport de l’organisation Journaliste en Danger (JED), Parfait Kasereka Katoto, directeur de la radio communautaire Amkeni Biakato, avait été victime d’une tentative d’assassinat, le 29 mai 2021 vers 22 heures, à son domicile.
« Le journaliste revenait de sa rédaction au moment où il a été attaqué par un homme porteur d’une arme à feu qui l’a menacé et accusé d’avoir dénoncé les tracasseries dont seraient victimes la population locale. Le journaliste continue à recevoir des menaces de mort au téléphone. Craignant pour sa vie, le journaliste vit actuellement en clandestinité. », avait documenté JED.
Dans cette même période de l’état de siège, Joël Mumbere Musavuli, directeur de la Radio Communautaire Babombi, émettant à Biakato, chefferie de Babombi, territoire de Mambasa ainsi que son épouse avaient été attaqués à l’arme blanche, le 14 août 2021, par un groupe d’hommes non autrement identifiés. Le journaliste avait succombé de ses blessures tandis que sa femme était sortie grièvement blessée.
En Février dernier, un journaliste a été tué dans le territoire voisin d’Irumu par un militaire des Forces armées de la République Démocratique du Congo. La mort de Kambale Fidèle Kitsa, 27 ans, rappelle aux autorités de la province la nécessité de renforcer la sécurité et prévenir l’irréparable pour le cas de Parfait Katoto.
Les autorités congolaises devraient prendre des mesures rapides et complètes pour enquêter sur toutes les menaces contre le journaliste Parfait Katoto, assurer sa sécurité et amener les responsables à rendre des comptes, a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes, CPJ le 15-mai-2024.
Dans la lettre adressée au ministre de l’intérieur par OLPA, l’organisation affirme qu’il tiendra les services de l’Etat responsables de tout ce qui adviendrait au journaliste menacé.
Jérémie Kyaswekera
Cette enquête est réalisée en collaboration par les journalistes membres du Réseau des Journalistes d’Investigation en République Démocratique du Congo (REJI-RDC), antenne de la Province de l’Ituri, avec l’appui technique du Collectif des Femmes Journalistes (CFJ) grâce au financement du fond Mondial pour la défense des medias (GMDF) administré par l’UNESCO.
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