Meurtre du journaliste Edmond Bahati : la verité semble hors de portée

Le meurtre du coordonnateur de la Radio Maria, Edmond Bahati, survenu dans la nuit du 27 septembre 2024, continue de susciter de nombreuses interrogations. Si la tragédie a choqué l’ensemble de la communauté médiatique et au-delà, la question qui demeure est celle de savoir s’agit-il d’un acte lié à son travail de journaliste ou d’une vengeance personnelle. La vérité semble se dérober au fil des révélations, entre aveux partiels et théories divergentes. Les révélations qui se succèdent ne font qu’ajouter à la confusion, empêchant de cerner les causes exactes de cet assassinat.

Cette tragédie survient dans un contexte sécuritaire de plus en plus préoccupant à Goma, malgré l’état de siège en vigueur dans la province du Nord-Kivu depuis mai 2021. Les journalistes de Goma sont régulièrement victimes de menaces, reçues par téléphone ou envoyées par SMS. Les stations de radio communautaires, comme Radio Maria/Goma, jouent un rôle crucial d’information dans les zones de crise et de guerre telles que le Nord-Kivu. Toutefois, elles sont également perçues comme une gêne par les différents belligérants, car elles dénoncent les violences faites aux civils. Les habitants de la ville soulignent que ces violences se poursuivent malgré l’état de siège proclamé par les autorités le 6 mai 2021 dans le Nord-Kivu et la province voisine de l’Ituri. Le recours de l’armée à des groupes armés irréguliers pour tenter de stopper l’avancée du M23 a exacerbé l’insécurité à Goma, la capitale du Nord-Kivu. Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, archevêque métropolitain de Kinshasa, a souligné dans un entretien avec l’Agence Fides, le 18 avril 2024, que « les groupes armés finissent par devenir un danger pour la population, s’attaquant aux citoyens, commettant des vols et des meurtres, et se lançant dans le commerce illégal des minerais extraits des mines artisanales de la région ».

Un meurtre en pleine rue : mobile obscur

Selon plusieurs témoignages Bahati a été abattu par trois hommes armés alors qu’il rentrait chez lui, après une journée de travail. Les assaillants, qui l’ont dépouillé de ses biens avant de lui tirer dessus, se sont échappés à moto.

Plusieurs sources rapportent que la victime a été tuée pendant qu’elle retournait à la maison en provenance de son lieu de travail.

Une dame qui a vécu le fait témoignage que c’était aux environs de 19h30. Cette dernière fait savoir qu’elle était la première victime de ces hommes. « je rentrais chez moi quand j’ai vu que ces hommes armés me suivaient de près. J’avais mon téléphone en main car j’étais en train d’écrire un message, ils m’ont arrêté et m’ont demandé de les donner mon téléphone. J’ai refusé je les ai demandé de partir avec mon sac à main. Il y avait dedans un peu d’argent» a-t-elle fait savoir.

Poursuivant, cette femme révèle qu’après les avoir donné son sac, ils ont ensuite arrêté un monsieur qui était devant elle, sans savoir qui il était. La dame a avancé et après quelques minutes des discussions, ces hommes ont ouvert le feu en lui logeant des balles dans la poitrine et il est mort sur le champ. Les trois bandits ont pris les larges dans la nature.

“La victime a été poursuivie par trois hommes en armes non identifié,quand il empruntait la route qui mène à son domicile. Les hommes en armes ont dépouillé Edmond en apportant ses téléphones et autres biens de valeur avant de lui cribler des balles à la poitrine. Ces hommes se sont échappés en utilisant une moto après leur acte” témoigne cette femme vivant au quartier Ndosho, témoin de l’événement.

L’état de siège confère pourtant des pouvoirs accrus aux autorités militaires pour restaurer la paix et la sécurité, mais il n’a pas empêché la recrudescence des violences et des assassinats ciblés dans la ville. Les membres de la communauté de Radio Maria-Goma, ainsi que de nombreux habitants ont éprouvé un choc et leur indignation. Selon l’un de ses proches collaborateurs, «Edmond était un homme de paix, engagé dans le service de sa communauté et de l’Eglise. Sa disparition est une perte immense».

Des informations recueillies auprès des collègues du défunt, Edmond Bahati a passé toute la journée de vendredi au bureau de la Radio Maria en planifiant les activités de la semaine. Si sa famille redoute un règlement de compte dans le cadre de son travail, ses collègues indiquent qu’il n’avait jamais fait part d’une quelconque menace à son endroit.

L’abbé Muhigi Deodatus, directeur de la radio maria ne cache pas son émotion, pour lui, l’urgence est de juguler la criminalité  et c’est douloureux de perdre un homme dynamique. De son côté, il demande aux autorités politico militaires de prendre au sérieux leurs responsabilités. Quant aux certains collègues du défunt “ Edmond BAHATI a passé toute la journée de vendredi au bureau de la radio en planifiant les activités de la semaine. Il n’avait jamais fait part d’une quelconque menace à son endroit. Edmond bahati pourrait être rendu à une boutique vers ndosho ,les habitants de l’avenue balindu ,une de l’avenue voisine de son domicile, la disparition de celui-ci est une pilule à avaler. Je n’arrive pas à accepter cette perte énorme pour la radio. Indique Rodriguez kihimba , l’un de ses proches et Journalistes à radio Maria.

La famille d’Edmond Bahati exprime une profonde douleur et indignation face à son assassinat. Sa veuve, Justine Tumaini, a récemment donné naissance à leur troisième enfant, ce qui rend la perte encore plus tragique. Les proches de Bahati, ainsi que la communauté de Radio Maria, demandent justice et une enquête approfondie sur les circonstances de sa mort, soulignant son engagement pour la paix et le service à la communauté. La famille espère que les autorités prendront des mesures concrètes pour garantir la sécurité des citoyens à Goma.

A en croire, Irène semakuba, la soeur de Edmond BAHATI, n’arrête pas de se plaindre de la disparition de son frère ” j’ai reçu un appel d’un membre de la famille me disant qu’ ils ont une mauvaise nouvelle, Edmond vient d’être tué, alors que j’ai essayé d’appeler d’autre membre de la famille ,car certaines ne savaient pas et n’avaient aucune certitude car personne n’avait des nouvelles sur son état de santé. J’ai eu le courage de me rendre au lieu de l’incident pour trouver le corps sans vie de Edmond, c’était fini pour lui. Et j’ai ressentis ce choc de perdre un aîné de la famille qui parfois se plaçait à la place de nos parents.”

Des aveux qui brouillent des pistes

L’ONG Journaliste en Danger (JED) a immédiatement réagi en exprimant sa profonde consternation après l’assassinat de ce journaliste et responsable d’une radio catholique. Dans un communiqué du 30 septembre 2024, l’ONG a demandé aux autorités militaires en place de mener des investigations urgentes pour élucider les circonstances de cet assassinat et identifier les responsables. JED a souligné qu’un certain Dieume Bauma, conducteur de tricycle à Goma, faisait partie des suspects. Ce dernier a avoué son implication dans le meurtre, précisant qu’il avait agi avec la complicité d’un certain Elisha Hemedi, alias Mamadou, en raison d’un conflit personnel avec la victime.

L’aveu des présumés meurtriers, bien que marquant un tournant dans l’enquête, ne clarifie cependant pas l’ensemble des enjeux. La question de savoir si ce meurtre était motivé par une rivalité professionnelle ou un conflit privé reste en suspens. Les autorités locales, à l’instar du maire de Goma, Faustin Kapend Kamand, et du porte-parole de la 34ème région militaire, le lieutenant-colonel Guillaume Njike Kaiko, ont promis d’accélérer le processus judiciaire et de rendre justice rapidement. Cependant, plusieurs zones d’ombre subsistent. Pourquoi un journaliste impliqué dans des projets de radio catholique aurait-il été victime d’une vengeance personnelle ? Le mobile reste flou.

Edmond Bahati rejoint malheureusement la longue liste des personnes victimes de la violence armée à Goma. Son décès vient rappeler l’urgence d’une intervention plus efficace pour rétablir la sécurité dans une ville qui ne cesse de pleurer ses enfants.

Pour le directeur du bureau Afrique subsaharienne de Reporters sans frontières (RSF), Sadibou Marong, les journalistes se trouvant dans les zones de conflits sont très menacés. «Ils sont des cibles aussi bien de la part des groupes armés que des armées régulières. Par exemple, en RD Congo où les radios communautaires animées par les journalistes locaux sont un moyen d’information précieux, particulièrement dans les zones de guerre, nous avons vu que beaucoup de journalistes sont contraints à l’exil et leur matériel détruit. Leur prise en otage par les militaires ou les groupes armés, les piégeant sous le feu de la guerre, empêche les journalistes de faire leur travail et prive des dizaines de milliers d’habitants de leur droit à l’information», a-t-il dénoncé.

Signalons que pour mettre fin à cette insécurité à goma ,le maire de la ville a instauré en avril dernier l’opération safisha Muji , l’on signale que une cinquantaine de bandits ont été arrêtés mais malgré cela ,la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader.

Face à la criminalité grandissante,la société civile du Nord Kivu  appelle les autorités congolaises à prendre des mesures urgentes pour mettre fin à cette situation .le rapport de la coordination de la société civile,au moins 78 personnes ont été assassinés entre avril et juillet 2024

Denise Kyalwahi

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